"Un violent coup de poing au plexus". Dany Laferrière: poésie, peinture
Résumé
Dany Laferrière publie depuis 1985 des livres indexés comme « romans », dont cependant on sait à quel point ils puisent à la source autobiographique. Dans cette étude, je m'attache à montrer que le romancier-autobiographe, se nourrissant des « arts voisins » que sont la poésie et la peinture, est aussi (et pas moins) poète et peintre. Il ne le revendique en rien, certes – s’y refusant presque : « Aucun poème. Je n’ai jamais écrit de poème. », confie-t-il à Bernard Magnier. « Ce qui est assez rare dans la culture haïtienne. », poursuit-il. Arguant de la rareté du génie poétique (« sauf dans le cas d’un Davertige »), « la poésie [étant] un art majeur qui exige beaucoup plus que du talent » , le romancier semble très consciemment se refuser au poème – du moins en tant qu’auteur, le lecteur de poésie n’étant quant à lui pas en reste. Mais (c’est le point de vue défendu dans cette analyse) un roman peut participer d’une écriture poétique, c’est-à-dire être intimement travaillé par le poème, sans pour autant expressément s'en réclamer. J’émets ainsi l’idée que les romans de Dany Laferrière participent de cette « autre chose » que "L’Amour est un chien de l’enfer" a pu représenter pour le jeune homme découvrant, fasciné, l’écriture de Bukowski :
"Un jour je suis entré dans une librairie par hasard. J’ai attrapé un livre sur une des tables où sont bien étalées les nouvelles parutions. Un certain Bukowski. […]. J’ai commencé à le lire. Finalement un commis m’a demandé de remettre le livre à sa place, sinon je l’aurais lu, là, debout, en entier. […] C’était un livre de poèmes, "L’Amour est un chien de l’enfer", mais on n’aurait pas dit de la poésie. C’était vraiment autre chose. Moi qui n’aimais pas trop la poésie, j’étais tout à fait excité. Ce livre m’a coûté au moins cinq repas, parce que, tu imagines, je suis revenu le chercher la semaine suivante."