Cinémas pour le Chthulucène ! Caméra-cyborg et regards situés (Carlos Reygadas et Donna Haraway)
Résumé
De même que « tu dois changer ta vie » (Rilke), tu dois changer ton œil et toute ta perception. Telles sont les injonctions inséparables, l’une éthique et pratique, l’autre esthétique, que la crise des écosystèmes adresse à l’humain. Si changer de manières d’être humain suppose de changer de pratiques de regard et de perception, comment se défaire du regard de capture au cinéma, et comment y sentir comme autre que soi ? Dans le cadre de ce nécessaire « posthumanisme écologique », il s’agit ici de nommer les enjeux éthiques et politiques associés aux pratiques de visualisation cinématographiques. Cette contribution tente pour cela d’éprouver la pertinence des concepts harawayens de cyborg et de savoirs situés pour penser la transformation esthético-épistémologique à l’œuvre dans le cinéma du réalisateur mexicain Carlos Reygadas, où la fissuration du human gaze de la caméra trouve les moyens de se résoudre en articulation circonstanciée de points de vue humains et autres qu’humains (animaux, végétaux, machiniques, écosystémiques).