Expirer et surgir en images. À propos de l’épreuve de la mort dans Madame Fang de Wang Bing
Résumé
Notre étude prend appui sur Madame Fang (2018, 86’, version cinéma), le dix-septième film de l’artiste chinois Wang Bing, qui est consacré aux derniers jours d’une ouvrière agricole atteinte d’une forme rare de la maladie d’Alzheimer. Filmée dans la pièce à vivre de son modeste logis, Fang Xiuying se meurt sous nos yeux, entourée par un cercle familial qui la veille jusqu’à son dernier souffle. Ce geste documentaire insensé touche à la limite du procédé cinématographique et provoque un malaise difficilement soutenable : comment en effet accueillir l’exposition face caméra d’un autrui à l’article de la mort ? Mais si Wang Bing s’attache aussi manifestement à l’infigurable, ce n’est pas sans raison ou par goût du scandale. En effet, cette expérience (experior, éprouver) liminaire de la mort réfléchit selon nous l’acte d’image qui s’apparente à un rituel opérant le passage du plein au vide. Perçu à travers son intentionnalité, le film revêt dès lors une fonction médiale permettant la matérialisation (et la survivance) de la béance sensible qui sépare la dernière extrémité de la vie des limbes du néant.